Collision avec le sol, en vol de nuit

BEA2017-0124/Janvier 2019

1 – DÉROULEMENT DU VOL

Le pilote décolle à 14 h 20 de son hélisurface privée (lieu-dit Le Fraysse (46) à
destination de celle de Moncontour (86) pour un voyage d’affaires. Il effectue un
arrêt et avitaille sur l’aérodrome de Poitiers (86) entre 15 h 45 et 16 h 05 puis décolle
vers sa destination finale où il atterrit à 16 h 20. Il prévoit de passer la nuit sur place
et de ne rentrer que le lendemain.
En fin d’après-midi, il change ses projets et décide de repartir le soir même vers
Figeac.
Le décollage a lieu à 18 h 20 pour un vol en VFR(3), sans plan de vol, d’une durée estimée
à 1 h 35. Le coucher du soleil est prévu à 19 h 12 à Figeac et la nuit aéronautique une
demi-heure plus tard. À 18 h 32, l’hélicoptère passe le travers de la ville de Poitiers et
poursuit vers la ville de Limoges. Le pilote contacte le contrôleur du SIV(4) de Limoges
sur la fréquence 124.05 MHz à 18 h 45 et lui précise sa position et ses intentions.
Il ajoute qu’il détient une qualification vol de nuit. Le contrôleur lui répond en lui
affectant le code transpondeur 7030 et le QNH régional de 1 026 hPa. Le pilote quitte
la fréquence à 19 h 23 pour contacter Brive, sans succès. Il recontacte alors Limoges à
19 h 28 et précise qu’il approche les installations de Brive à 3 200 pieds. Le pilote ne
rappelle pas pour quitter la fréquence après ce dernier contact.
L’hélicoptère percute des obstacles au sol, à grande vitesse, à proximité de l’habitation
du pilote et de l’hélisurface privée.

2 – RENSEIGNEMENTS COMPLÉMENTAIRES

2.1 Renseignements relatifs au site et à l’épave

Le site se situe dans une région vallonnée composée de collines boisées. La dernière
détection radar est située à 1,5 NM à l’ouest du site de l’accident et à environ 2 NM de
l’hélistation du pilote. Les trois points sont alignés.

L’examen du site révèle que l’hélicoptère a heurté une clôture d’un mètre de hauteur
située en bordure d’un chemin, puis un muret en pierre d’environ un mètre cinquante
situé de l’autre côté du chemin et également une ligne téléphonique à la verticale de
ce muret. Sa vitesse horizontale était alors importante et il volait vraisemblablement
en palier. Les traces dans la végétation montrent qu’il est ensuite monté sous forte
pente, en heurtant un arbre à une dizaine de mètres du sol. Au court de cette collision,
la partie arrière comprenant le plan vertical et le rotor arrière, s’est séparée de la
cellule. L’énergie dont disposait l’hélicoptère lui a permis de survoler un bois d’une
vingtaine de mètres de hauteur avant de s’écraser dans un champ en contrebas.
Les commandes de vol de l’hélicoptère présentent de multiples ruptures, toutes
identifiées comme brutales et donc consécutives à l’accident. Les commandes étaient
continues avant l’impact. Le moteur délivrait de la puissance lors de l’impact avec
le sol. L’altimètre était réglé au QNH de 1 025 hPa.
L’examen de l’épave n’a révélé aucun dommage susceptible d’expliquer l’accident.

2.2 Trajectographie

Plusieurs calculateurs et récepteurs GNSS(5) étaient présents à bord de l’hélicoptère.
Seule la tablette tactile du pilote, sur laquelle était notamment installée une
application de navigation GNSS sur fond de cart

L’examen des enregistrements du radar de Auch montre que l’hélicoptère a effectué
un virage à gauche en direction de sa base, à une altitude qui décroît progressivement
vers 1 865 ft et avec une vitesse sol voisine de 120 kt en réduction vers 90 kt avant
la fin de la détection radar à 19 h 52 min 07. Dans les trente dernières secondes
enregistrées, l’altitude décroît de 2 165 ft à 1 865 ft (hauteur de survol d’environ
1 000 ft). Il s’est écoulé environ une minute de vol entre la dernière détection et la
collision avec le sol (considérant une vitesse sol moyenne de 90 kt).

2.3 Renseignements relatifs au pilote

Le pilote, âgé de 52 ans, était titulaire d’une licence PPL(H) européenne, assortie
d’une qualification au vol de nuit. Son expérience totale était de 1 130 heures de vol
environ dont dix dans les trois mois précédents, toutes sur le type.
Par l’intermédiaire d’une société, il était propriétaire de l’hélicoptère basé sur une
hélisurface proche de son domicile. Cette dernière ne disposait d’aucun balisage
nocturne. Le pilote n’avait pas d’expérience récente de la pratique du vol de nuit
(aucune heure dans les trois dernières années).
2.4 Renseignements relatifs aux conditions météorologiques
Les conditions météorologiques estimées sur le site de l’accident étaient les suivantes :
ˆ vent au sol : 220° à 300° / 3 à 6 kt ;
ˆ CAVOK ;
ˆ températures 16 °C,
ˆ point de rosée 5 °C
ˆ QNH 1 026 hPa.
Le lendemain de l’accident, par conditions météorologiques équivalentes à celles de
la veille (T°, pression, nébulosité, vent), une brume locale recouvrait le sommet des
collines environnantes dès la tombée de la nuit.

3 – ENSEIGNEMENTS ET CONCLUSION

3.1 Évaluation du risque

L’accident résulte soit de la décision du pilote d’entreprendre une partie du vol à très
basse hauteur, de nuit, alors que les références visuelles extérieures étaient difficiles
à acquérir, soit de sa focalisation sur la surveillance externe pour tenter de trouver
des repères visuels au détriment de celle de ses instruments et notamment de son
altitude alors qu’il approchait de son domicile et de sa zone d’atterrissage.
Le changement de planning du pilote explique sans doute son décollage tardif.
La fatigue accumulée ce jour-là au cours de ses vols et de ses rendez-vous
professionnels, peut expliquer l’altération de ses capacités de discernement et
d’évaluation du risque représenté par un vol rasant, de nuit, dans un environnement
qu’il connaissait bien. Son expérience de pilote combiné à l’équipement de
l’hélicoptère a pu influencer sa décision.

Le pilote aurait pu réaliser ce vol sous plan de vol VFR de nuit, à destination d’un
aérodrome adéquat, en respectant les règles de survol car d’une part il était
réglementairement apte à pratiquer le vol de nuit et d’autre part, les conditions
météorologiques étaient compatibles avec la réalisation d’un tel vol. Le pilote n’a
pas fait ce choix. Sa forte volonté de rejoindre son domicile dans la soirée a été
prédominante